Cécile Beuzeville: entrepreneure de la France à l'Acadie
Publié le 29 avril, 2022

Cécile Beuzeville: entrepreneure de la France à l'Acadie
Dans notre série de portraits Femmes entrepreneures, on vous présente des entrepreneures acadiennes d’exception dont l’engagement auprès de la communauté a des retombées positives sur la population. Pleins feux sur leur histoire inspirante!
En quittant la France avec son conjoint et leurs deux enfants en 2017, Cécile Beuzeville est bien déterminée à s’installer en sol néo-brunswickois pour y ouvrir une entreprise. Cinq ans plus tard, la voici copropriétaire avec son amoureux de la chaleureuse Auberge d’Anjou et du Cocooning Café qui, comme son nom l’indique, reçoit ses clients « comme à la maison ».
Rencontre avec une femme d’affaires déterminée et passionnée!
Entrepreneure d’un continent à l’autre
Avant de quitter pour le nouveau continent, Cécile Beuzeville et son mari Jérôme tiennent les rênes d’une boulangerie-pâtisserie en France pendant 7 ans. « C’était ma deuxième expérience comme entrepreneure. Après la naissance des jumeaux, j’avais ouvert une boutique d’objets déco que je fabriquais moi-même et pour laquelle j’avais gagné un prix d’entrepreneuriat. »
Le plan initial du couple en s’installant au Canada est d’ouvrir une boulangerie-pâtisserie près de la mer au Nouveau-Brunswick. « On est venu visiter les environs avant de décider où nous souhaitions habiter, et on a eu un gros, gros, gros coup de cœur pour la région. La Baie-des-Chaleurs, c’est indescriptible. Le bord de mer, la communauté, l’altruisme... Il y a vraiment quelque chose ici qu’on ne retrouve pas ailleurs », raconte l’entrepreneure, les yeux brillants.
Le charme français de l’Auberge et son café
Si leur ambition de départ ne se concrétise pas, le duo d’entrepreneurs trouve toutefois une nouvelle vocation lorsqu’il se fait proposer de reprendre l’Auberge d’Anjou de Petit Rocher, environ un an après leur arrivée. « Au départ, pour moi c’était un gros non, c’était beaucoup trop gros! Mais je me suis laissée convaincre et finalement, nous sommes toujours là, quatre ans plus tard — incluant deux ans de pandémie. On a fait des choix judicieux pour nous et ça fonctionne bien. »
L’Auberge renferme en ses murs un petit trésor gourmand : le charmant Cocooning Café, où Jérôme propose ses pâtisseries et viennoiseries françaises et où Cécile concocte aux clients des repas sains et réconfortants. « Tout est fait maison, ici, dans la cuisine. Jérôme est un grand passionné, il exerce son métier de boulanger-pâtissier depuis une trentaine d’années. Il aime explorer, faire des recherches et des essais. Pour ma part, je cuisine des plats internationaux que j’ai appris auprès de ma mère et de ma grand-mère. De la vraie cuisine de “maman”! »
L’entrepreneuriat : une histoire de famille
Au-delà de la femme entrepreneure, c’est le couple qui est le véritable moteur de l’entreprise. « Jérôme et moi, on ne fonctionne pas l’un sans l’autre. Ça fait 21 ans qu’on est ensemble et ça fait 11 ans qu’on travaille ensemble 24 heures sur 24. On est vraiment en osmose, on s’aide toujours et on est très complémentaires dans nos décisions. C’est ce qui nous fait avancer. Notre entreprise, c’est notre bébé. Je ne suis pas une femme en affaires. On est un couple en affaires. »
Leurs deux garçons de 17 ans s’impliquent également dans l’entreprise en y travaillant l’été et les fins de semaine, et en dépannant leurs parents de temps à autre. « Que ce soit déménager ici ou acquérir l’Auberge, on n’a rien fait sans l’approbation des garçons. Ils ont été consultés sur tout et ils sont à fond dans l’aventure avec nous. C’est réellement une histoire de famille! »
Foncer et donner de son temps sans compter : des incontournables pour réussir en affaires
L’infographiste de formation a-t-elle toujours eu un intérêt pour l’entrepreneuriat? « Ma mère m’appelle Germaine, parce que je gère et je mène! », raconte Cécile en riant. « J’ai un tempérament fonceur et je ne lâche jamais le morceau quand j’ai un objectif, ce qui me sert certainement dans mon travail. Si la porte ne s’ouvre pas, je passe par la fenêtre! Peut-être que je peux faire peur un peu, parce que je suis droite et directe, mais avec moi, on n’a pas besoin de prendre mille détours. Il faut appeler un chat un chat! »
Cette force de caractère lui sert certainement pour tenir le coup pendant les périodes creuses de pandémie et garder la tête hors de l’eau devant l’ampleur de la tâche. « Avoir son entreprise, ça exige énormément de temps. On travaille sans arrêt, même lorsqu’on est malade. On n’a pas le choix. Quand on n’est pas en cuisine, on est ailleurs pour faire d’autres tâches. Si on n’était pas impliqué en famille, ce ne serait pas possible. Je pense qu’humainement, une personne ne peut pas tenir seule avec une charge émotionnelle comme la nôtre. »
La pénurie de main-d’œuvre : un défi bien réel
C’est d’autant plus prenant que, comme la plupart des restaurateurs actuellement, les Beuzeville peinent à recruter de nouveaux employés pour prêter main-forte et prendre le relais. « On n’a pas le choix de restreindre nos horaires d’ouverture », témoigne Cécile. « On n’arrive pas à trouver de l’aide en cuisine, alors on ouvre le café le matin et le midi, mais on doit fermer le soir. Tous les restaurants font face à cette problématique en ce moment. C’est très prenant pour nous. »
Une entreprise bien ancrée dans sa communauté
Malgré l’investissement de temps inestimable, Cécile et son mari se tiennent debout et continuent d’offrir le meilleur d’eux-mêmes à leurs clients quotidiennement. « On est des passionnés, et juste d’entendre les gens rire dans la salle du restaurant, partager avec les filles qui sont en avant, nous faire des coucous à travers les fenêtres de la cuisine, c’est que du bonheur. Les gens, quand ils arrivent, ils disent “ah, qu’est-ce qu’on aime être chez vous!” Ça, ça vaut de l’or. C’est pour ça qu’on s’appelle le Cocooning Café. On est là pour être ensemble et passer un bon moment. »
Depuis leur arrivée à Petit Rocher, la région a adopté les Beuzeville, qui le lui rendent bien. « On est très bien intégrés, c’est très chaleureux. Quand on croise des gens, on s’appelle par nos prénoms, on prend des nouvelles. On a nos habitués qui viennent toutes les semaines prendre un café et discuter. C’est une véritable communauté dans laquelle on se sent bien! »
Quatre conseils pour les entrepreneurs de demain
Quels conseils Cécile donnerait-elle à ceux et celles qui songent à se lancer en affaires?
Prendre son temps
Se lancer sur un coup de tête après un éclair de génie? Très peu pour la femme d’affaires. Connaître le succès nécessite de commencer petit, et d’évoluer peu à peu. « Il faut bien prendre le temps de réfléchir à ce qu’on veut, de mettre en place ses idées et d’analyser l’écosystème dans lequel on veut s’installer. » Il ne sert à rien de partir en fusée pour s’éteindre tout aussi vite.
Bien s’entourer
Pour prévenir les embûches et affronter les difficultés, les conseils de mentors, d’organismes, d’autres entrepreneurs plus expérimentés et des institutions financières s’avèrent précieux. « Pour notre part, Jonathan Godin chez UNI a été le premier à croire en nous. Il a aimé notre passion et notre authenticité. Notre expérience jouait certainement en notre faveur, mais il nous a beaucoup aidés alors qu’on arrivait d’un autre pays avec une cote de crédit entièrement à construire. »
Se diversifier et encourager les autres commerces locaux
En créant une diversité dans l’offre de la région, les entreprises favorisent le tourisme, attirent les gens de l’extérieur et leur donnent envie de revenir faire un tour. Les deux propriétaires de l’Auberge d’Anjou et du Cocooning Café n’hésitent pas également à créer des partenariats avec d’autres entrepreneurs de la communauté, à exposer des œuvres d’artisans de la région et à cuisiner avec des produits frais locaux. « C’est en s'encourageant mutuellement qu’on gardera la région vivante et qu’on assurera la pérennité des entrepreneurs d’ici. »
Véritable carrefour où se rencontrent voyageurs, familles, communauté locale et travailleurs, l’Auberge d’Anjou et son café contribuent certainement à faire de Petit Rocher un endroit où il fait bon vivre et qu’on aime visiter!